« Je manifeste contre le régime en dessinant », dit à l’AFP l’opposant iranien Mana Neyestani, en exil depuis 5 ans et réfugié à Paris depuis février 2011, qui raconte son incarcération à Téhéran et son combat dans Une Métamorphose iranienne, à paraître le 16 février.
Ce roman graphique, publié par Arte Editions et Ca et Là Editions, sortira également en Allemagne, Italie et Espagne. Des négociations sont en cours aux Etats-Unis. « J’adore dessiner, depuis l’enfance. Protester contre le gouvernement est venu plus tard. Avec ce livre, je voulais partager mon expérience mais aussi oublier mes cauchemars, mon arrestation en 2006, mon incarcération et ma fuite d’Iran », explique le dessinateur et écrivain de 39 ans. Le dessin est mon moyen d’expression, alors je manifeste contre le régime en dessinant« , poursuit Mana Neyestani au Festival de la BD d’Angoulême.
Premier à bénéficier de l’adhésion de la ville de Paris au programme des villes refuges pour écrivains persécutés (Icorn, International cities of refuge network), Mana vit dans la capitale française depuis un an, après avoir été réfugié en Malaisie pendant quatre ans et demi. « Je viens de faire une demande d’asile politique en France« , souligne le dessinateur qui a aussi participé, à travers ses dessins satiriques, à la contestation des élections iraniennes en 2009. Le cauchemar de Mana Neyestani commence en 2006, quand il dessine une conversation entre un petit Iranien et un cafard dans le supplément pour enfants d’un hebdomadaire iranien. Son cafard utilise un mot azéri, peuple d’origine turque du nord de l’Iran, opprimé par le régime central. Le dessin de Mana, qui n’est pas azéri, déclenche des émeutes. Le régime de Téhéran a besoin d’un bouc émissaire, ce sera lui. Avec l’éditeur du magazine, il est arrêté et emmené dans la prison 209, section non-officielle de celle d’Evin. Les deux hommes subissent incarcération en isolement et interrogatoires alors que les manifestations azéries sont durement réprimées par les autorités qui font tirer sur les manifestants, faisant de nombreuses victimes. « Chaque jour, on me disait : tu vois, tu as tué tant ou tant de manifestants. C’était une torture morale. Mais je n’ai pas été torturé physiquement, contrairement aux prisonniers politiques depuis 2009« . Après trois mois de détention, il obtient un droit de sortie temporaire. « J’ai décidé de fuir le pays. Avec mon épouse, nous avons acheté des billets pour un voyage de trois jours à Dubai, en priant pour que les autorités ne soient pas alertées« , raconte-t-il. « Les Emirats ne m »ont apporté aucun soutien, je suis alors parti pour un long périple, Turquie, Chine et enfin Malaisie où je me suis inscrit à l »université en 2007« , explique cet architecte de formation. Finalement, ce sera Paris. Devenu illustrateur de presse à la faveur de la montée en puissance des journaux réformateurs iraniens en 1999, il publie un premier livre en 2000. Puis, en 2004, considéré comme dessinateur politique, »un terme que je revendique« , dit-il, il est contraint de faire des illustrations pour enfants.
Après Une Métamorphose iranienne, « mon prochain livre sera sur la révolte de 2009 mais ne parlera pas de moi. Je ne suis pas un grand fan de l’autobiographie« . La mère de Neyestani et un de ses deux frères, scientifique, vivent toujours à Téhéran. L’autre est un peintre reconnu au Canada. « Jusqu’ici, ma famille n’est pas inquiétée en Iran mais le régime est si imprévisible que tout peut arriver« , soupire Mana. Retournera-t-il dans son pays ? « Je le pourrais, dit-il la gorge nouée, mais aujourd »hui ce serait pour être jeté en prison ! », l’Iranien Neyestani dessine pour « protester » et « oublier ses cauchemars« .