RUE D’ULM /// nouvelle collection « Sciences sociales »
by Lucie le 18 déc 2012 • 10 h 32 min Aucun commentaireLa collection « Sciences sociales », dirigée par Florence Weber, explore les liens entre la sociologie, l’anthropologie, l’histoire à travers des ouvrages pionniers en termes de méthode ou d’objets. Elle privilégie les travaux qui mettent en œuvre une démarche réflexive pour répondre à la difficulté propre des sciences de l’homme. Sans rien lâcher de l’esprit scientifique – cohérence du raisonnement, construction de faits empiriques, production cumulative de connaissances soumises à la critique des pairs –, celles-ci doivent sans cesse réaffirmer la commune humanité entre les savants et leurs objets, des hommes qui vivent en société, dotés de la même réflexivité individuelle et collective que ceux qui les observent. Elles ont développé des compétences propres pour tenir compte de la double appartenance des savants au monde social et à la communauté scientifique. Ce sont ces compétences que la collection veut mettre en pleine lumière. Elle publie des monographies, des ouvrages de synthèse et des ouvrages collectifs, y compris en traduction, qui permettent de comprendre les transformations des sociétés, au-delà des partages traditionnels entre périodes historiques et aires culturelles.
Le premier titre à paraître dans la collection, est un ouvrage de Emily Martin sur la bipolarité.
Comment vivent les Américains décrits comme maniaco-dépressifs ? Ce livre explore leur expérience quotidienne à travers une enquête ethnographique auprès de groupes de soutien, de groupes de travail en psychiatrie et de salariés du marketing pharmaceutique. Il s’appuie sur la propre expérience de l’auteur avec les troubles bipolaires et ouvre une réflexion sur la place de la manie et de la dépression dans la culture américaine.
Cette recherche fascinante et parfois dérangeante permet au lecteur de découvrir l’univers des troubles bipolaires tout en posant des questions fondamentales sur la dimension culturelle de l’irrationalité. Que signifie perdre le statut de personne ? Peut-on être parfois rationnel et parfois irrationnel ? Pourquoi certaines personnalités maniaques réussissent-elles socialement tandis que d’autres, la majorité, perdent leur emploi, leur famille et leurs amis ? Quel est le statut des médicaments, pour ceux qui les produisent et pour ceux qui les utilisent ? Le rapport profondément ambivalent de la culture américaine avec la manie, valorisée notamment dans les entreprises, et la dépression, son double inversé, entraîne le lecteur dans une réflexion sur les transformations les plus récentes du capitalisme à partir d’un angle original : l’optimisation de nos états mentaux et de nos émotions.
Emily Martin est professeur d’anthropologie sociale à New York University. Spécialiste de la Chine puis d’anthropologie des sciences, c’est son premier ouvrage traduit en français. Elle a notamment publié Flexible Bodies : Tracking Immunity in American Culture from the Days of Polio to the Age of AIDS et The Woman in the Body : A Cultural Analysis of Reproduction.
Anne M. Lovell, anthropologue, directrice de recherches à l’INSERM (CERMES 3), travaille sur la santé mentale et la psychiatrie, en Europe et aux États-Unis. Elle a notamment dirigé, avec Alain Ehrenberg, l’ouvrage La Maladie mentale en mutation. Psychiatrie et société (Odile Jacob, 2001).
Voyage en terres bipolaires. Manie et dépression dans la culture américaine.
Traduit de l’anglais par Camille Salgues. Préface d’Anne M. Lovell.
25 €, 416 pages.
(RUE D’ULM, coll. « Sciences sociales »)
Fiche article sur bldd.fr
Fiche article sur le site de l’ENS.